texte de Inda Intiar / photos de Haqq Brice

Cultiver l’avenir de l’agriculture

translation de Mychèle Poitras

Aubree, 4-H NB, à l’NBEX

Charlotte Flores s’inquiète du fossé croissant entre les gens et leurs sources d’alimentation. Selon elle, beaucoup de jeunes ignorent la provenance des fruits, légumes, viandes et produits laitiers qu’ils trouvent en épicerie.

Directrice de l’initiative Agriculture en salle de classe Nouveau-Brunswick, Charlotte entend bien changer les choses. Son organisme vise à sensibiliser les jeunes aux systèmes alimentaires et à leur rôle dans ceux-ci, tout en transformant le discours autour des carrières agricoles.

Charlotte est convaincue que l’implication des jeunes dans l’agriculture en fait des citoyens mieux informés, capables de faire des choix alimentaires réfléchis et de soutenir des systèmes alimentaires durables. Même s’ils ne choisissent pas une carrière agricole, ils comprendront mieux d’où provient leur nourriture et l’importance de l’agriculture dans la société.

« Il faut que les enfants comprennent les systèmes alimentaires, pourquoi la nourriture est essentielle, et comment ils peuvent y jouer un rôle », affirme-t-elle.

L’initiative Agriculture en salle de classe Nouveau-Brunswick propose une vaste gamme de programmes destinés aux jeunes, en offrant notamment des ressources et formations aux enseignant.es et aux familles pratiquant l’école à la maison. L’objectif : aider les enfants à cultiver leurs propres aliments, découvrir les métiers de l’agriculture de façon ludique et participer à des visites de fermes. L’organisation est aussi présente à des événements comme le NBEX à Fredericton, où elle anime des activités éducatives et interactives. Parmi ses initiatives phares figure Journey 2050, un programme qui invite les élèves à réfléchir aux enjeux liés à la sécurité alimentaire mondiale et à l’adoption de pratiques agricoles durables.

« Cela montre aux jeunes que la question n’est pas seulement de savoir s’ils veulent ou non devenir agriculteurs, explique Charlotte. Il s’agit de l’avenir de notre pays. »

Pour Ally Bauchman, l’agriculture a commencé à la maison, sur la ferme familiale près de Gagetown, au Nouveau-Brunswick. Elle avait six ans lorsqu’elle s’est jointe à 4-H Nouveau-Brunswick, un organisme sans but lucratif qui propose aux jeunes un apprentissage pratique en agriculture, mentorat et leadership. Aujourd’hui coordonnatrice du programme, Ally affirme que 4-H lui a offert des opportunités rares à l’époque. Grâce à l’organisation, elle a pu voyager à l’étranger et visiter la Maison-Blanche.

« Dès que j’ai quitté la ferme pour aller à l’école, je me suis inscrite à l’école d’agriculture de Truro. C’est là qu’on se rend compte à quel point ce mode de vie nous manque, et combien il était précieux de grandir dans cet environnement », confie-t-elle. « Avec le recul, si je n’avais pas grandi dans ce milieu, j’aurais manqué tellement d’occasions. »

Le nom 4-H représente les quatre « H » : Head, heart, hands and health (tête, cœur, mains et santé), explique Karen Versloot, productrice laitière et membre du conseil d’administration de l’organisation. Destiné aux jeunes de 6 à 21 ans, le programme propose des activités variées allant de l’agriculture à la photographie, en passant par la pâtisserie, l’art oratoire, et plus encore. Le volet agricole met l’accent sur la présentation d’animaux de ferme — une excellente porte d’entrée pour les jeunes.

Kode (14 ans), Aubree (13 ans) et Drew (15 ans), tous membres actifs, ont participé à l’exposition animale du NBEX en septembre 2024. Ils ont appris à s’occuper de vaches, chevaux et lapins, entre autres. « C’est très utile pour moi, parce que je veux devenir vétérinaire. Ça m’aide à mieux connaître les animaux », explique Kode.

Tous trois rêvent de devenir vétérinaires, conscients de la pénurie dans cette profession. « On a vraiment besoin de plus de vétérinaires au Nouveau-Brunswick…c’est en partie pour ça que je veux en devenir une », déclare Aubree. Grâce à une collaboration entre 4-H Nouveau-Brunswick et le NBEX, les inscriptions à l’exposition ont augmenté. Plusieurs jeunes ont aussi pris part à des ateliers offerts par Agriculture en salle de classe Nouveau-Brunswick.

Au sein du 4-H, les jeunes ont l’occasion de créer et de diriger leurs propres clubs, et d’apprendre en travaillant sur des projets, accompagnés d’adultes mentors. « L’idée, c’est d’enseigner les compétences en leadership dès le plus jeune âge et de les ancrer solidement chez les jeunes, pour qu’ils puissent plus tard occuper des rôles de leadership », explique Ally Bauchman.

Karen Versloot affirme avoir vu de nombreux jeunes, issus de milieux non agricoles, intégrer 4-H et, plus tard, choisir une carrière dans ce secteur. « Je l’ai vu maintes fois : ça éveille leur intérêt. En grandissant, ils découvrent les possibilités de carrière dans le domaine. Et il n’est pas nécessaire d’être agriculteur pour travailler en agriculture. Il y a plein d’emplois différents, qui soutiennent les agriculteurs, dans toutes sortes d’organisations. »

Longtemps perçues comme ardues, saisonnières et un « sale boulot », les carrières agricoles souffrent encore de préjugés. Mais Charlotte et Karen soulignent que le secteur est vaste, en constante évolution, et offre une multitude de professions bien rémunérées, allant du travail de terrain aux postes en durabilité environnementale, technologie ou gestion.

Alors que la population, tant mondiale que canadienne, continue de croître, les besoins alimentaires augmenteront. Selon un rapport de la RBC, le Canada pourrait faire face à une pénurie de 123 000 travailleurs agricoles d’ici 2029. Pascal Thériault, économiste et agronome à l’Université McGill, a d’ailleurs exprimé ses inquiétudes quant au peu de mesures prises pour pallier cette pénurie prévue. 

Pour Karen, il est crucial de faire connaître les carrières agricoles dès l’enfance. « Si personne ne travaille dans l’agriculture, qui produira notre nourriture ? », demande-t-elle. « Il faut les initier très tôt. Sinon, ils choisiront simplement d’autres carrières. » 👩🏽‍🌾

Retrouvez cet article dans Edible Martimes No 13, hiver 2025.

Inda Intiar est une écrivaine, une conteuse, une personne connectée et une facilitatrice qui apporte une perspective mondiale en ayant grandi dans de plusieurs pays. Inda adore voyager et essayer de nouvelles expériences et saveurs. / Inda Intiar is a writer, storyteller, and facilitator who brings a global perspective from growing up across multiple countries. Inda loves travelling, and trying new experiences and flavours. / @firenationexplores

Haqq Brice est un photographe et artiste multidisciplinaire basé à Moncton qui exprime sa vision à travers son art et sa créativité. / Haqq Brice is a photographer and multidisciplinary artist based in Moncton, whose art and creativity are used to express his vision.

Avec une carrière de plus de deux décennies dans le secteur public, Mychèle Poitras a travaillé comme journaliste provinciale, et a cofondé Les Brasseurs du Petit-Sault, la première brasserie artisanale d'Edmundston. Amoureuse de la langue, elle est profondément passionnée par le pouvoir des mots et leur capacité d'inspirer et d'établir des liens.  / Mychèle Poitras has worked in communications for over two decades and she co-founded Les Brasseurs du Petit-Sault, Edmundston's first craft brewery. A lover of language, she is deeply passionate about the power of words and their ability to inspire and connect.

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