texte de Peter Simpson / photos de Stacy Morris

Un doux retour

Translation by Georgette LeBlanc

Chuck Gallison remplis une bouteille avec de l’hydromel

Cherchez sur internet le mot « hydromel » et l’algorithme veut savoir s’il s’agit « de bière d’hydromel ou de vin »

La réponse – bizarrement, en ce qui concerne la boisson longtemps connue sous le nom de « vin de miel » et produit à la « brasserie » près de Charlottetown, IPE – n’est ni l’un ni l’autre.

« La bière, » dit Google, « est faite de sucres fermentés tirés de graines maltées alors que le vin est fait de sucres fermentés extraits de fruits. »  L’hydromel est fait de miel fermenté. L’hydromel de Chuck Gallison est fait de miel local, produit par sa brasserie, Good Old Island Bees. 

L’origine de Horns of Odin est presqu’une blague à la «L’îlien entre dans un bar… » - mais l’histoire est vraie.

« Mon épouse et moi étions en Islande où un jour j’ai entré dans un bar, » dit Chuck assis confortablement dans son espace bureau décidément douillet au nord de Charlottetown. « J’étais avec le propriétaire et un barman et le lieu était vide. Nous avons commencé à discuter, moi autour d’une bière et les autres buvaient de l’hydromel. Ils m’ont demandé si on buvait de l’hydromel dans l’Est du Canada » je leur ai répondu que (dans l’Est du Canada) ils ne sauraient même pas de quoi il s’agit. »

Chuck s’approchait de la retraite après 32 années de travail comme officier pour la conservation des espèces sauvages et des habitats pour la province. « En Islande, le gars me dit, écoute, pourquoi pas essayer la production d’hydromel à la retraite ? » L’homme lui a ensuite montré son lieu de production et lui a offert un livre de recettes à l’hydromel.

De retour à l’IPE et à la retraite, Chuck était « assis en train de devenir fou à la maison. J’avais un peu d’argent qui me restait, j’ai donc décidé de m’essayer. »

Il a demandé l’appui d’un ami qui lui a loué un espace pour la brasserie et s’est ensuite informé sur les abeilles.

« Il se trouve que j’ai un ami passionné d’abeilles qui cherchait à embaucher quelqu’un à cause de son âge, » dit Chuck en tirant d’un placard quelques bouteilles d’hydromel qu’il place sur le bar pour essayer. L’ami a aimé l’idée de Chuck et a proposé qu’ils travaillent ensemble. Chuck a accepté et tout le miel utilisé pour produire son hydromel est d’abeilles situées à vingt kilomètres de la brasserie. 

Le miel et Chuck c’est une belle histoire de symbiose. Son ami a maintenu les ruches pour les louer aux producteurs de bleuets qui louaient les abeilles pour polliniser leurs plants. « Il ne s’est pas investi pour le miel, » se rappelle Chuck. « Il était là pour la pollinisation, et je l’ai convaincu qu’il fallait faire du miel. »

L’autre ingrédient important dans l’hydromel est, selon Chuck, relève également du concret.

« L’hydromel est un produit simple – c’est de l’eau, de la levure, du miel et un fruit. » Il pointe aux étagères remplis de variétés d’hydromel, dont plusieurs aux saveurs de baies locales. « Je cueille la plupart de ces baies. Je demande aux gens si je peux marcher le long de leurs haies et je cueille des baies de toutes sortes. »

Ses étagères sont une corne d’abondance de saveurs sucrées et herbacés – incluant la cerise, la canneberge et le sureau, l’églantier, le haskap, le pissenlit et bien d’autres. Il est très ouvert à l’expérimentation et aux saveurs – aujourd’hui les saveurs disponibles sont le Caramel salé et Smores. Il dit que les gens produisent plus qu’ils ne peuvent utiliser et lui apportent leurs surplus. « Ils arrivent à ma porte et me demandent « Peux-tu faire quelque chose avec cette rhubarbe?’ alors je fais de l’hydromel à la rhubarbe. J’en garde et j’en offre en cadeau. »

La plupart des habitants des Maritimes ont sans doute déjà essayé l’hydromel ou ils ont déjà vu les Vikings ou par d’autres personnages historiques et fantaisistes en boire à la télévision en quantités gargantuesques. Dans cette petite brasserie, le thème des Vikings prédomine; des sièges reliés d’écorce de bois coupés et un ours noir empaillé évoquent la vie sauvage dans la forêt, des boucliers et des haches de batailles ornent les murs.

Chuck a ouvert sa brasserie il y a quatre ans, quand les séries Vikings et Game of Thrones étaient toujours populaires et présentes dans l’imaginaire des gens. « Personne ne se lasse des Vikings. »

Il est un mordu de l’histoire et a découvert, un jour, l’histoire de Odin, le dieu viking qui gouverne Valhalla. Les trois cornes de Odin est un symbole qui perdure de la mythologie viking et norse. C’est une référence à la recherche d’Odin pour « l’hydromel de la poésie ».

« Odin est un vagabond, » dit Chuck. « Il trouve un arbre qui a été frappé par la foudre. Une ruche se trouve dans l’eau, alors il y plonge ses cornes et se met à boire. Quand il retourne au village, il annonce qu’il a reçu le don de la sagesse… Il est saoul et raconte des histoires aux autres. Je connais des gars comme ça, ils reçoivent le don de la sagesse. C’est cette histoire qui m’a inspiré le nom Horns of Odin. »

Ces cornes sont celles de Odin, celles qu’il a utilisées pour boire et ne font pas référence aux casques que les vikings, en vérité, n’ont jamais portés, qui sont un mythe diffusé par l’opéra moderne. Cela dit, le décor de la brasserie est loin d’être historiquement juste : Un enseigne affiché au mur par exemple, démontre un drakkar viking et lit, « Stationnement pour Vikings seulement. Les autres seront saccagés. »

Le décor, le nom et la production solo de Chuck sont un exercice en pragmatisme. Même le choix de désignation « brasserie » relève du pragmatisme. « Je n’emploie pas le terme « hydromelerie » parce que personne ne sait ce que c’est, alors je triche un peu et utilise le terme brasserie. Les gens chercheront le terme « brasserie » dans Google n’est-ce pas?»

C’est une solution efficace qui fonctionne pour un projet à petite échelle comme Horns of Odin qui est classé « petite brasserie » par la province puisqu’elle ne peut produire que « quatre ou cinq gallons à la fois. »

Chuck garde le ABV (alcool par volume) à 10 ou 12 pourcents, qui se compare au pourcentage d’un vin léger. Son hydromel est très sec – beaucoup moins sucré que la plupart des hydromels occasionnellement disponibles à la société des alcools, qui souvent sont sucrés avec du sirop de maïs.

L’hydromel a commencé son retour dans les plus récentes années, dit-il, et une raison qui explique son retour est le faible taux de sucre raffiné dans les hydromels comme les siens. C’est aussi un produit naturellement sans-gluten, qui est de plus en plus populaire pour un nombre grandissant de personnes. « Le mien est non filtré et non pasteurisé; il n’y a pas plus brut que cela. »

L’opération est simple, petite, charmante et humble et rappelle une époque ancienne, avant l’arrivée de la production de masse. Chuck sait que l’hydromel ne le lui rapportera pas  fortune, mais il dit recevoir des profits de nature organique. Ayant travaillé comme officier de la pêche et de la faune, il ressent une connexion profonde avec la nature, et cette connexion l’a appelé.

J’étais dehors la plupart du temps, en train de gérer et de protéger. Le plein air m’a manqué quand j’ai pris ma retraite, » dit-il, en se vidant un petit échantillon d’hydromel à l’églantier et au bleuet pour y goûter. « En vérité, Horns of Odin est un projet de santé-mentale. Je sors de la maison, je rencontre des gens comme toi. Nous discutons ensemble, et ça, ça me fait du bien. » 🍺

Horns of Odin Craft Brewery

St Peters Rd, Mount Stewart, P.E.I.

This piece can be found in Winter 2025, Edible Maritimes #13

Peter Simpson was born and raised in PEI, then left to write about a lot of stuff for a lot of years, but returns every summer for a lot of days. / Peter Simpson est né et a grandi à l'Î.-P.-É. puis est parti ailleurs pendant plusieurs années pour écrire sur beaucoup de choses. Chaque été, il retourne sur son île pour y passer les beaux jours. 

Stacy Morris is an Australian-born lifestyle and editorial photographer, based on Prince Edward Island.  / Stacy Morris est une photographe de style de vie et de rédaction née en Australie et basée à l'Île-du-Prince-Édouard.

Georgette LeBlanc is a writer and translator. She is currently a sessional instructor of creative writing at l’Université de Moncton. / Georgette LeBlanc est écrivaine et traductrice. Elle est chargée de cours à l’Université de Moncton où elle enseigne la création littéraire.

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